Je veux vivre simplement
J’ai commencé à écrire cet article de 5-6 de lignes en 2019, il s’appelait Ecologie et haut salaire ? :
Tout commence quand un copain me partage une réflexion intéressante : la consommation (de ressources naturelles, de biens produits, d’énergie) étant proportionnelle au capital (plus tu gagnes d’argent plus tu consommes, plus t’as de chance d’avoir une maison individuelle, plus tu prends l’avion, etc.). Le plus facile est donc de gagner moins d’argent si on veut moins consommer. Ça m’a un peu fait réfléchir à ce sentiment de fierté que j’ai quand je gagne plus d’argent qu’avant. Donc question ouverte du weekend, est-ce qu’une vraie démarche écolo, ce serait pas de volontairement gagner moins d’argent, pour s’astreindre à la simplicité volontaire, à l’austérité ?
L’envie d’être écologiste, c’est moins consommer, et
non pas mieux consommer. Il serait tentant de juste mieux consommer, mais la solution ne sera pas si simple.
Il faut choisir de vivre une double vie, entamer un voyage. Quitter la vie d’avant, celle du monde réel, du salariat,
du monde productiviste et parcourir le chemin vers la vie d’après, celle de nos sens, du contact, de la
dépendance aux autres. Je vais vers une utopie, je ne sais pas exactement où, probablement sans arrivée. Mais depuis que
j’emprunte ce chemin je suis convaincu de ma direction.
Je quitte Omelas. Je n’ai pas encore
lâché toutes les amarres, ce dont je suis sûr, c’est
que je ne veux plus surinvestir le champ professionnel de ma vie. Ça ne m’intéresse pas, ça ne me concerne plus. Je veux privilégier ma vie de
famille, mon savoir-faire manuel, mon épanouissement, ma paix, ma santé. Je veux échanger beaucoup plus, partager, et
enrichir les autres et moi-même. Je refuse d’utiliser mon smartphone. Je refuse de faire un investissement locatif.
Je refuse d’accumuler du capital culturel et financier. Je refuse de parvenir.
Je refuse de dominer à nouveau qui que ce soit.
Plus jeune, j’ai souvent pensé que ma valeur personnelle était indexée sur mon salaire. Que plus j’étais payé, plus j’avais de valeur. Je raisonnais comme un vulgaire entrepreneur avec sa start-up, je devais être flexible, efficace, m’adapter, apprendre, cultiver une image de développeur de qualité, être juste assez provocant pour montrer mon assurance, apprendre à négocier, et toujours gagner la compétition. J’étais fier qu’on me jalouse et qu’on m’envie mais je ne le réalisais pas. J’ai réalisé récemment que je raisonnais comme si j’étais une entreprise. Ce qui était bon pour une start-up se devait d’être bon pour un développeur indépendant. La brutalité stupide de la loi du marché appliquée aux êtres humains.
Depuis l’année dernière, j’ai ma réponse. Faut-il volontairement que je gagne moins d’argent pour devenir plus écolo ? Oui. D’une part réduire mes revenus diminue statistiquement mon empreinte carbone. Mais à mon sens, le plus important est de diminuer les heures de travail salarié. Vivre simplement permet de trouver le temps de se documenter, de réfléchir sans être en guerre contre une économie de l’attention qui aura le dernier mot. Diminuer son temps de travail permet d’économiser son énergie, de grandir, d’évoluer, de changer de cap.
Vivre simplement c’est réparer même ce qu’on ne pense pas réparable et c’est un travail non-salarié. Se mettre à la couture. Récupérer des meubles, des vêtements, des matériaux et faire soi-même. Se modérer et vivre. Prendre le temps d’y aller, et se laisser le droit d’avoir tort. Choisir ce qu’on consomme et refuser de tout obtenir tout de suite, pour mieux choisir, et pour se laisser le temps de changer d’avis. Oui si je veux, je peux acheter la dernière PS5 et le dernier jeu vidéo à la mode et me faire livrer le tout demain dans ma boite aux lettres, mais je ne veux plus céder à mes pulsions. Ce que je trouve drôle, c’est que même si ce mode de vie conditionne beaucoup ma vie personnelle, je ne pense pas que mes voisins et voisines réalisent ça. On est sûrement une famille qui fait un peu plus souvent des ballades à vélo qu’eux, et qui ramènent toujours des cakes et des bières faites-maison aux apéros des voisins. Ils doivent trouver bizarre que je marche 4 km tous les dimanches pour aller chercher du pain. Mais le voyage, c’est pas la boulangerie. Le voyage c’est les 2 heures de marche dans la forêt, les insectes observés avec mes enfants, les chansons improvisées, et les multiples rencontre qui sépare ma maison de la boulangerie.
Vivre simplement, c’est pas faire du vélo et acheter du bio.
Vivre simplement, c’est pas faire du vélo et acheter du bio. C’est refuser de participer à une course, refuser les honneurs. Pour moi, c’est aussi reconnaître mes pulsions consuméristes (allo Fabien en 2019, tu achètes nettement plus de livres que tu n’en lis, juste parce que tu aimerais être le genre de personne qui lit ces livres). Je veux faire vivre le patrimoine commun, les bibliothèques, les clubs. Animer des associations, des collectifs, une vie de quartier. Je ne me fais aucune illusion, je ne renverserai pas le capitalisme en brassant ma bière et en faisant mes courses à pieds, mais c’est un acte militant. C’est faisable et ça me plait.
Citation de Socrate, alors qu’il passait devant le marché d’Athènes :
Que de choses dont je n’ai pas besoin…
Des trucs à lire
The political economy of degrowth, Timothée Parrique PDF
Le nouvel esprit du capitalisme, Luc Boltansky
À nos amis, le comité invisible
Il faut s’adapter, Barbara Stiegler
Quoi faire avec tout ce temps libre
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Prendre une carte à la bibliothèque, une place dans un jardin potager ouvrier et emprunter des livres sur le potager.
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Pour apprendre à plusieurs, apprendre aux autres : La pédagogie critique et les oeuvres de Paulo Freire
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Chercher à bricoler des trucs soi-même, et emprunter le matériel aux voisins
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Faire de l’associatif
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Se reposer, écouter des podcasts ou du punk
Parenthèse importante
Il est à noter que je gagne extrêmement bien ma vie et que je suis dans une situation de grand privilège. En étant transparent et beaucoup plus terre-à-terre, je choisis volontairement de :
- réduire ce que je gagne en travaillant au 3/5, il me reste quand même plus que le salaire médian français
- redonner à des assos/bloggers/vloggers ou ne pas dépenser ce que je gagne en trop (thésaurisation)
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